Dépêches de l'Education
du Mardi 1 mai 2007
La harangue anti Mai 68 de Sarkozy alarme des acteurs de l'Education
"Retour à l'autoritarisme", "intervention haineuse", "discours inquiétant": des syndicats et acteurs de l'Education se sont montrés très inquiets lundi après l'attaque virulente de Nicolas Sarkozy contre l'héritage de Mai 68.
"C'est un discours que j'ai trouvé très revanchard et hargneux car Sarkozy soumet à la vindicte populaire les syndicalistes, les politiques, les fonctionnaires, cela rappelle des heures assez tristes de notre histoire et ça fait froid dans le dos", a déclaré lundi à l'AFP Bruno Julliard, président du syndicat étudiant Unef.
Lors de son meeting dimanche à Bercy (Paris) le candidat de l'UMP à l'élection présidentielle s'est livré à une attaque en règle contre les héritiers de Mai 68 dont fait partie selon lui la gauche, les accusant d'avoir détruit les valeurs et la hiérarchie et se demandant si cet héritage "doit être liquidé une bonne fois pour toute".
Cette phrase a fait bondir l'ancien étudiant et leader de Mai 68 Daniel Cohn-Bendit qui a taxé Nicolas Sarkozy de "bolchévisme".
"Parler de liquidation de 68, c'est du bolchevisme" a dit M. Cohn-Bendit, jugeant "incroyable ce terme stalinien, bolchevique, de +liquidation+".
"Il y a derrière tout cela, non pas un discours de compréhension du système éducatif, mais un discours de la nostalgie qui fait froid dans le dos" a enchéri Patrick Gonthier, secrétaire général de l'Unsa-Education car "ce n'est pas en stigmatisant qu'on comprend l'évolution de la société".
Selon le secrétaire général de la fédération de l'Education Sgen-CFDT, Jean-Luc Villeneuve, le candidat UMP "s'inscrit dans le courant actuel des nostalgiques et pour Sarkozy depuis 68 c'est la chienlit!".
"C'est une intervention haineuse, Mai 68 a mis en avant l'exercice du droit syndical, l'école de la mixité, le droit des femmes et a déclenché ce qu'on appelle la massification, ce n'est pas rien" a ajouté Jean-Luc Villeneuve.
Pas pour Nicolas Sarkozy qui estime que Mai 68 a "liquidé l'école de Jules Ferry qui était une école de l'excellence, une école du mérite, une école du respect".
"L'école de Jules Ferry était une école de tri social extrêmement forte! On se donne l'illusion qu'avant on formait bien tout le monde alors que c'est totalement faux", a critiqué Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU, principale fédération de l'Education.
Selon le leader syndical, "ce discours sur Mai 68, c'est de l'idéologie à l'état brut avec un côté âge d'or qui n'a jamais existé".
Il a rappelé par exemple qu'une enquête Insee sur l'analphabétisme "montre qu'il y a moins d'analphabétisme chez les jeunes autour de 18 ans aujourd'hui que chez les 55 ans ou plus (scolarisés avant avant 68, ndlr)".
Le pédagogue Philippe Meirieu (et l'un des fondateurs des Instituts universitaires de formation des maîtres, IUFM) a lui estimé que ces relevaient d'un retour à "l'autoritarisme": "Ce que dit Sarkozy sur l'autorité ressemble au discours de Pétain, avec un retour à l'autoritarisme, à une forme d'obéissance arbitraire fondée sur la force".
"M. Sarkozy s'est livré à une violente critique de Mai 68 au nom des valeurs républicaines, mais c'est la droite qui en 1968 a supprimé l'éducation civique et la distribution des prix au Concours général, et c'est moi comme ministre de l'Education nationale qui les ai rétablies en 1985", s'est aussi insurgé Jean-Pierre Chevènement, président d'honneur du MRC.