NADAL, LE GRAND PATRON
Par Sophie DORGAN, à Roland-Garros
Impérial et implacable, Rafael Nadal a infligé dimanche une leçon (6-1, 6-3, 6-0) au numéro un mondial, Roger Federer, pour rejoindre Björn Borg et ses quatre titres consécutifs à Paris. L'Espagnol reste invaincu sur la terre battue parisienne et n'a pas perdu un set de la quinzaine.
Borg, détenteur du trophée entre 78 et 81, remet la Coupe à Nadal, intraitable depuis 2005.(Reuters)
« Désolé pour cette finale, Roger.» En champion, Rafael Nadal manifeste une joie modeste, sobre et respectueuse. Il vient d'écraser (6-1, 6-3, 6-0) son grand rival, Roger Federer, et rejoint ainsi Björn Borg avec quatre victoires consécutives aux Internationaux de France sans perdre un set pendant cette quinzaine. « J'ai frôlé la perfection et Roger a commis beaucoup de fautes », concède humblement l'Espagnol. Un tel score en finale de Roland-Garros remonte à 1977 avec Guillermo Vilas qui assistait avec une pléiade d'anciens champions à cette leçon. Sur la terre battue parisienne, le Majorquin n'a toujours pas perdu un match. Et cette année, il a fallu compter le nombre de jeux concédés.
Le public s'attendait à un match historique. Il a assisté à un combat de boxe de 1h48' conclu par un K.-O. en trois rounds entre un poids lourd et un poids léger. Il a vu Roger Federer, un des génies du tennis, devenir un joueur ordinaire. Il a vu Roger Federer, vainqueur de douze tournois du Grand Chelem, se transformer en petit garçon, perdu sur un court trop grand pour lui. Il a vu Roger Federer qui personnifie la classe se tenir tête basse et perdre sa superbe. Pourquoi ? L'explication est simple : Rafael Nadal. Lors des deux finales précédentes, chacun cherchait des raisons tactiques pour expliquer les échecs de Roger Federer. Le Suisse n'attaquait pas assez. Le Suisse ne se montrait pas assez agressif. Le Suisse n'utilisait pas assez son revers slicé. Ce dimanche après-midi, Rafael Nadal a donné la réponse. «C'était le Rafael le plus fort que j'ai jamais vu », résume le numéro un mondial. L'Espagnol est tout simplement beaucoup trop fort sur tous les plans, psychologique, physique, tactique et technique, sur terre battue.
Nadal toujours plus fort
«Sur terre battue, il faut jouer chaque point comme si c'était une balle de match », avait prévenu Björn Borg qui est un des rares à avoir réussi un tel exploit. Rafael Nadal le rejoint dans cette galaxie d'extraterrien. Le Majorquin dispute chaque point comme si sa vie en dépendait. Sa capacité de concentration relève du phénoménal et sa pression constante enterre tous les espoirs des plus durs à cuire. Le troisième set relève de la leçon de choses. Roger Federer a bénéficié d'une seule occasion pour gagner un jeu sur son service à 1-0 dans la dernière manche ! Même seul sur le terrain, le Majorquin ne lâche rien et il étouffe son adversaire. D'entrée, Rafael Nadal lui montre qu'il est le patron en lui ravissant son service et en tenant le sien après avoir sauvé deux balles de break. Au moindre danger, il déclenche la machine à gifles, une à gauche et une à droite pour finir par une amortie lors de la balle de break à 3-3 au deuxième set. Mentalement, le Suisse est groggy. « Après une défaite de ce type, on n'a pas envie de jouer contre Rafael demain, plaisante le numéro un mondial. Mais j'espère être là l'année prochaine.»
Mais cette suprématie s'accompagne d'une gestion tactique parfaite. Rafael Nadal, ce n'est pas qu'un physique enrobé d'une gifle de coup droit. Aujourd'hui, l'Espagnol possède un revers exceptionnel, un service très gênant, un retour d'une efficacité redoutable et du toucher. « J'ai progressé. Je suis davantage à l'intérieur du terrain, je suis plus agressif, se réjouit le nouveau numéro 1 à la Race. Je n'utilise plus uniquement un jeu de terre battue. Je continue à lifter, mais j'utilise aussi le slice et le jeu à plat. » Le numéro un mondial est parti d'entrée à la recherche d'eau dans le désert, il s'est retrouvé assoiffé et perdu. Face à un mur, il n'a jamais trouvé l'amorce d'une solution. Il a bien tenté d'investir le filet. Un chiffre résume le bilan : 18 points gagnés sur 42 montées ! Il a alors choisi de se montrer agressif. Il a commis 70 erreurs, 35 fautes directes et 35 provoquées ! Et surtout il a visité le court. Avec son lift et sa capacité à avancer, Rafael Nadal a pris en main le jeu et a infligé des droite-gauche à son adversaire d'une violence physique épuisante. A cette cadence infernale, l'Espagnol ne rate quasiment rien. Il n'enregistre que sept fautes directes pour vingt-deux points gagnants dans ce match ! Une démonstration qui ressemble à la suprématie de Björn Borg qui lui a remis le trophée. « Il lui reste de nombreuses années pour gagner encore beaucoup d'autres Roland-Garros, avait prévenu le Suédois avant la finale. Peut-être même huit ou neuf d'affilée, si ça se trouve ! » Il faut toujours écouter ses aînés.