D'un coup, elle s'est énervée. «Cela fait des centaines de réunions que je suis. Depuis la mort de Vincent, je n'arrête pas. Et là, je suis déçue, on veut savoir si oui ou non, on va changer la loi», a lâché Marie Humbert, qui avait tenté d'euthanasier son fils, tétraplégique depuis un accident de voiture. «Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, ils ont tous dit qu'il fallait que cela change. Alors, vous le faites ou pas ?»
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Mercredi soir, dans cette salle de la maison de la chimie, à Paris, la scène est lourde d'émotions et de tensions. A l'initiative de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), tous les candidats ou leurs représentants ont été conviés à donner leur réponse à la question : faut-il permettre dans certaines conditions la mort par un geste actif à une personne qui le demande, comme cela se passe en Belgique ou en Hollande ? Un débat d'actualité : hier matin, une pétition, signée par 2 000 médecins ou soignants, appelait «à dépénaliser l'euthanasie» quelques jours avant le procès d'une infirmière et d'une médecin à Périgueux, accusées d'avoir donné volontairement la mort à une patiente, au stade terminal d'un cancer du pancréas.
Tard dans la soirée, Marie Humbert paraissait déçue. Comme si tout était figé. Or, à entendre les différents représentants des candidats, les choses bougent. D'abord, parce qu'une loi sur la fin de vie a été votée, il y a un an, à l'unanimité. ce texte autorise beaucoup de choses ; ainsi, un patient peut demander l'arrêt de tout traitement, y compris l'alimentation et l'hydratation. L'équipe médicale est obligée de l'accepter. Comme elle est obligée de lui prescrire des antidouleurs, «quitte à hâter la mort». Non seulement l'euthanasie passive est donc devenue légale en France, mais les «directives anticipées» (texte anticipant une éventuelle perte de conscience et qui précise la façon dont la personne veut être soignée) sont légalisées, de même que la notion de personne de confiance. Reste que le législateur n'a pas voulu autoriser le suicide médicalement assisté. Faut-il aller plus loin, comme le souhaite l'ADMD ?
Bras ballants. La semaine dernière, Nicolas Sarkozy avait surpris en déclarant : «Quand j'entends les débats sur l'euthanasie, je veux me dire : "Les principes, je les respecte ; les convictions, je les respecte", mais je me dis quand même au fond de moi : "Il y a des limites à la souffrance qu'on impose à un être humain. On ne peut pas rester les bras ballants face à la souffrance d'un de nos compatriotes qui appelle à ce que ça se termine, tout simplement parce qu'il n'en peut plus."» Bizarrement, ce passage de Sarkozy a, depuis lors, été retiré de son site Internet. «Cette loi ne règle pas tout», a expliqué Jean Leonetti, au nom du candidat de l'UMP. «Peut-être faudra-t-il la faire évoluer ? concède-t-il. Pour en avoir discuté avec Nicolas Sarkozy, nous estimons nécessaire que soient données des instructions au parquet pour faire vivre certaines exceptions d'euthanasie.»
Instructions. Si Nicolas Sarkozy est contre le statu quo, Ségolène Royal va plus loin : «Dans le respect des personnes, il faut faire ce qu'on fait dans d'autres pays européens. Il faut mettre en place une législation qui permette d'apaiser les souffrances les plus intolérables», avait d'abord déclaré la candidate sur TF1. Son représentant, Pascal Terasse, s'est montré plus précis : «Si nous sommes, aujourd'hui, opposés au suicide médicalement assisté, nous proposons néanmoins un nouveau dispositif législatif qui encadrerait des exceptions d'euthanasie et non pas de simples instructions au parquet. Cette loi porterait le nom de Vincent Humbert.» Quant à François Bayrou, il a choisi de rester désespérément centriste, par la voix du sénateur Nicolas About (UDF) : «Doit-on porter atteinte à l'interdiction de tuer ? Non. Nous souhaitons l'évolution de ce texte de loi, tout en réaffirmant la valeur de la vie, et le respect dû à la personne.»
«Faut-il aller plus loin ?» a poursuivi Marie-George Buffet, par le biais d'un courrier: «Je ne crois pas nécessaire un nouveau texte de loi... Certaines pratiques médicales ne peuvent pas être banalisées.» Plus cocasse, la réponse écrite de Jean-Marie Le Pen : «La question est grave, cela mérite un débat au bureau politique du Front national. Le prochain aura lieu à la fin de ce mois, et c'est là que nous pourrons vous apporter la réponse.» En revanche, pour Dominique Voynet comme pour Olivier Besancenot, «évidemment il faut permettre à quelqu'un qui veut mourir de le décider». Le représentant de la LCR ajoutant : «Nous, nous devons simplement faire en sorte que le cadre législatif le permette.»