L'événement cinématographique de la fin de saison approche. Dans quelques jours, Sam Raimi livrera le troisième opus de la saga Spider-Man. En attendant de vous préparer à l'avalanche d'effets spéciaux, voici notre avis sur la question.
Dans Spider-Man, piqué au poignet droit par on ne sait quelle bestiole arachnéenne transgénique, Peter Parker, jeune étudiant évoluant en plein doute existentialiste, moins que rien que tout écrase, apprenait à dompter ses nouveaux pouvoirs. Toujours pourchassé par son amour incommensurable pour Mary Jane Watson, celui-ci s'était fait à l'idée de vivre seul, conscient que : "De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités", comme lui avait enseigné son oncle mourrant (tué d'une balle presque en plein coeur par un malfrat détrousseur). Entre temps, et malgré le trouble qu'il l'animait, Spider-Man avait dû se résigner à tuer le Bouffon vert (ou plutôt le malade mental s'était-il tué tout seul dans une ultime duperie sentimentale), lui, l'assassin volant bouffé par son ambition, l'un des ennemis charismatiques et historiques de l'Homme-Araignée : le père de son meilleur ami, Harry Osborn. Harry, durant la sépulture du Bouffon, jurait dans les bras de Peter de tuer Spider-Man, tout en lui avouant que celui-là resterait à jamais l'unique et seul membre de sa famille. Le film se clôturait par le baiser magique de Mary. "Mais, j'ai tellement de choses à te dire... Je serai toujours ton meilleur ami, car c'est la seule chose que j'ai à t'offrir", lui avait-il répondu.
Dans le second tome de ses aventures, Spider-Man évoluait ainsi en plein doute : "C'est dur de devenir quelqu'un", chante un des refrains de la bande originale du film. Poursuivre le crime ? Aimer Mary Jane ? Ses pouvoirs sont-ils liés à son amour pour elle ? Ou à son amitié pour Harry, devenu aveugle et pratiquement fou de haine envers l'Homme-Araignée ? On était même allés jusqu'à croire que Spider-Man était fini ! Afin de retrouver toutes ses facultés de super-héros, Spidey s'était chargé d'éliminer le Docteur Octopus, autre avare de toute puissance tel l'Icare se brûlant les ailes (ou plutôt, Octopus, réalisant son égarement à la dernière minute, avait-il plongé dans les abîmes fluviaux accompagné de son invention diabolique). A la toute fin, Mary Jane, découvrant que son ami Peter et Spider-Man ne faisaient qu'un, réalisait le pourquoi de tous ces non-dits, les penchants mélancoliques de son ami d'enfance, le refus de tant d'amour qu'elle avait déployé à son encontre. Avec Spider-Man 3, voici donc le retour de la complexité triptyque entre Peter, Mary Jane et Harry, trois amis aimants, que de lourds secrets maintenant dévoilés bousculent tous trois. La trilogie réclame des réponses ! Comment tout cela va-t-il finir ? De nouveaux malins ne vont-ils pas faire leur apparition et compliquer un peu plus la donne ? Qui a véritablement tué l'oncle de Peter ? Spider-Man ne serait-il pas lui-même en train de façonner sa Némésis ? Tobey Maguire, Kirsten Dunst et James Franco vous feront-ils tourner en bourrique ?
Tout ce qui a fait le succès de la saga Spider-Man pourrait se résumer dans les errements de ce petit bout d'homme. Le doute, et non la faiblesse morale, est la grande caractéristique de tout l'amour que porte le public à son super-héros habillé d'un costard fluide. Spidey se questionne, Spidey lutte contre le mal, mais Spidey ne tue jamais de ses mains. Demeurera-t-il éternellement seul, prisonnier de son devoir ? A l'instar de ses difficultés personnelles, ses ennemis sont eux-aussi en errance psychologique. La grande leçon que semble inculquer Sam Raimi est d'observer que l'on a toujours le choix. Dotée d'un manichéisme quelque peu à raz-de-terre, le précepte à retenir est de savoir choisir son camp. Entre le Bien et le Mal, la frontière est floue. Au début de Spider-Man 3, on évolue en plein délire. Face à la gloire, face à tant d'amour que les New-Yorkais lui portent, face au regard de Mary Jane, Peter Parker semble pencher du mauvais côté de la balance. Serait-il devenu imbu de sa personne ? En aimerait-il une autre ? Presque ! Les ennuis vont salement commencer.
Si l'humour demeure toujours latent (peut-être moins drôle que dans le 2 ; en tout cas, Bruce Campbell y fait encore une apparition remarquée), la grande claque que distribuera Spider-Man 3 à tous est l'admirable travail des effets spéciaux. Que l'on parle ici des prouesses de l'Araignée, des métamorphoses de l'Homme-Sable ou de la folie meurtrière de Venom, l'équipe visuelle et technique a visiblement passé près de deux ans avant de toucher au but. Dans le premier chapitre, la découverte risible des pouvoirs de Peter et les prouesses du Bouffon vert captivaient le regard. Dans le second mouvement, les bras d'Octopus déclinaient tout un savoir faire. Mais, ici, Homme-Sable, Venom, Spider-Man, Bouffon Vert Junior, tout est fait pour calmer les ardeurs et demandes du public. Il va s'en dire que le rythme de l'intrigue, jouant de toutes les complexités du scénario, passe ainsi la vitesse supérieure - jusqu'à penser que Spider-Man 2 est le plus mou des trois.
Même si un brin de puritanisme (comme l'éternel passage de Spider-Man devant la bannière étoilée) entache quelque peu notre enthousiasme, ce dernier tome (un quatrième serait en route) des aventures de l'Homme-Araignée est un pur plaisir des yeux, tout en sachant travailler nos cordes sensibles.
Par Reynald Dal Barco