Dans l'Europe en doute, la présidence française suscite de fortes attentes Energie-climat, immigration, défense et agriculture : les priorités fixées par la France pour sa présidence de l'Union européenne (UE), qui va durer du 1er juillet au 31 décembre, ont reçu un large soutien dans les capitales européennes. Des inquiétudes existent néanmoins dans plusieurs pays, y compris en Allemagne, sur les objectifs que poursuit, sur certains de ces sujets, le président Nicolas Sarkozy.
Le non irlandais au traité de Lisbonne suscite également de nouvelles attentes envers Paris, qui va devoir jouer un rôle de bons offices pour aider les Irlandais, mais aussi les Tchèques, à surmonter leurs doutes. Le chef de l'Etat, qui était en visite le 16 juin à Prague, a annoncé qu'il se rendrait dès le 11 juillet en Irlande. Il joue gros sur cette question. "La véritable attente porte sur le rôle médiateur de la France afin de trouver une issue à la crise institutionnelle", juge, à Bruxelles, un des hauts responsables de la Commission du président José Manuel Barroso.
Beaucoup comptent, au siège des institutions européennes, sur l'énergie et la spontanéité de M. Sarkozy pour s'atteler à la tâche. Mais l'interrogation demeure sur ses côtés "imprévisibles". Ses emportements faciles contre le cénacle européen, à commencer par la Banque centrale européenne, alors qu'il ne tient pas lui-même les engagements budgétaires pris par la France, ne lui ont pas valu que des amis. Pourtant le président français part aussi avec des alliés qui n'ont pas toujours été du côté de Paris.
Royaume-Uni. A Londres, "on aime bien vos priorités, en particulier le fait que vous vous y teniez sans vous laisser dérailler par le traité de Lisbonne", s'est laissé à déclarer le secrétaire général du Foreign Office, Peter Ricketts.
Le premier ministre britannique, Gordon Brown, a fait une visite remarquée à l'Elysée, quelques heures après la ratification finale du traité de Lisbonne par le Royaume-Uni. Le projet de la France de rejoindre le commandement intégré de l'OTAN, souhaité par Londres comme Washington, lui facilite il est vrai le travail. Seule l'agriculture reste une véritable pierre d'achoppement.
Espagne et Italie. Madrid et Rome jouent tous deux la carte de l'entente parfaite. Le gouvernement socialiste de José Luis Zapatero soutient les efforts de Paris sur l'immigration et apportera sa contribution au sommet du 13 juillet sur l'Union pour la Méditerranée. "Nous souhaitons que les relations avec les pays riverains de la Méditerranée deviennent une politique centrale de l'UE", insiste le secrétaire d'Etat aux affaires européennes, Lopez Garrido.
En Italie, le président du conseil, Silvio Berlusconi, revenu au pouvoir, pense avoir en M. Sarkozy un allié dans la bataille pour l'Europe plus réactive qu'il souhaite lui aussi, qui ne doit pas être "une Europe des obligations, des limitations et des règlements".
Allemagne. Berlin, qui s'est heurtée à M. Sarkozy sur l'Union pour la Méditerranée, craint les dérapages français en matière budgétaire, mais appuie Paris sur le traité de Lisbonne et sur le paquet énergie-climat, où des rapprochements difficiles ont été opérés. L'accord de la chancelière Angela Merkel sera indispensable pour convaincre les pays de l'Est d'accepter un plan ambitieux sur ce paquet.
Mais des désaccords persistent avec Mme Merkel sur l'urgence d'une discussion approfondie sur la politique agricole commune et la défense européenne. Les prochaines élections législatives allemandes, où elle pourrait être opposée à son vice-chancelier social-démocrate Frank Walter Steinmeier, ne facilitent pas les choses.
République tchèque. Ce pays, qui succédera à la France à la présidence de l'Union au 1er janvier 2009, est un des grands points d'interrogation pour la France. Les Tchèques, qui hésitent à ratifier le traité de Lisbonne auquel s'oppose le président Vaclav Klaus, ne voudraient cependant pas, juge-t-on à Prague, en être les fossoyeurs pendant leur présidence.
Suède. Stockholm, qui exercera sa propre présidence fin 2009, sera très attentif au mandat Sarkozy. La Suède se méfie, comme les Pays-Bas, de la tentation du président français à jouer cavalier seul, de ses effets d'annonce. Pour Stockholm, l'attente numéro un porte sur le volet climat puisque c'est sous sa présidence que se déroulera le sommet de Copenhague qui préparera l'après-Kyoto.
Pays Bas Ils se réjouissent eux aussi du virage français en matière de défense, tout en s'interrogeant sur la capacité de M. Sarkozy à devenir "un grand président européen, détaché des intérêts à court terme de la France".